[Février 2024 – Gouvernement]

Le projet de loi entend lutter contre l’habitat indigne en permettant une intervention
précoce sur cet habitat et en simplifiant les procédures, qui peuvent prendre
actuellement dix à vingt ans. 400 000 logements du parc privé en métropole sont
aujourd’hui considérés comme potentiellement indignes. En outre-mer, Il y en aurait
près de 150 000.

Où en est-on ?

  • Étape 1 validée Conseil des ministres12 décembre 2023
  • Étape 2 validée Dépôt au parlement12 décembre 2023
  • Étape 3 en cours Examen et adoption28 février 20241ère lecture
  • Étape 4 à venir Promulgation

Qu’est-ce que la procédure législative ?

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Le 28 février 2024, le Sénat a adopté en première lecture, avec modifications et à l’unanimité, le projet de loi.

Le projet de loi avait été présenté au Conseil des ministres le 12 décembre 2023 par Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Il avait été adopté en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2024.
Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte.

SOMMAIRE

  1. Le projet du gouvernement
  2. L’examen du texte au Parlement

Le projet du gouvernement

Le projet de loi poursuit deux buts principaux :

  • réagir plus fermement et rapidement aux situations d’habitat dégradé ;
  • favoriser les grandes opérations d’aménagement.

Il fait suite au plan « Initiatives copropriétés » lancé en 2018 qui a permis de requalifier 88 000 logements et au rapport pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne des deux maires Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, remis fin octobre 2023 au ministre délégué au logement.

Le projet de loi redéfinit les critères permettant de caractériser l’état irrémédiable de l’insalubrité ou de l’insécurité d’un bâtiment (extension du champ des travaux pouvant faire l’objet d’une opération de restauration immobilière – ORI). Il introduit la possibilité pour toutes les copropriétés de souscrire un prêt global et collectif, plus souple et plus simple, pour le financement des travaux essentiels des immeubles ou de rénovation énergétique. Aujourd’hui, contracter un prêt est difficile en raison des multiples conditions demandées.

Une nouvelle procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique des propriétaires de logements frappés par un arrêté de péril ou d’insalubrité est créée. Elle est calquée sur la procédure « Vivien », qui permet d’exproprier, pour les démolir, les immeubles en état de dégradation irrémédiable. Cette nouvelle procédure est conçue pour permettre des interventions en amont, sur les immeubles dont l’état est critique, mais qui peuvent encore être sauvés. Il s’agit donc de rénover plutôt que de démolir. Si les travaux prescrits par l’autorité publique n’ont pas été exécutés, la procédure autorisera, en raison de l’urgence à réaliser les travaux, « la prise de possession anticipée moyennant l’octroi d’une indemnité provisionnelle ».

Afin de sécuriser le traitement des copropriétés dégradées, l’insaisissabilité des comptes bancaires de copropriétés en redressement est prévue. 

La procédure de mandat ad hoc est en outre facilitée. Un régime de concession pour le traitement des copropriétés dégradées est institué. Le régime applicable au droit de préemption urbain est clarifié pour que les collectivités locales qui voudraient mettre en place un dispositif de préemption sur une copropriété dégradée puissent le faire plus facilement.

Le texte donne un nouvel outil aux opérateurs d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD), leur permettant de solliciter une procédure judiciaire de scission forcée de grands ensembles en copropriétés ou la création d’un ou plusieurs syndicats secondaires. Ainsi, lorsque l’opérateur d’une ORCOD (ou d’une opération de requalification des copropriétés dégradées déclarée d’intérêt national) sera confronté à une copropriété présentant de graves difficultés d’entretien ou d’administration pouvant compromettre sa gestion et son fonctionnement, il pourra saisir le juge pour que soit ordonnée soit la division du syndicat des copropriétaires, soit la création d’un ou plusieurs syndicats secondaires. Il s’agit de déconcentrer la prise de décision au niveau de gestion le plus pertinent et, si besoin, d’isoler les immeubles les plus en difficulté de ceux pouvant faire l’objet de mesures de redressement.

Le projet de loi est complété par d’autres mesures, comme l’obligation d’information des copropriétaires et des occupants si un immeuble ou certains de ses logements sont concernés par des procédures de lutte contre l’habitat indigne.

L’examen du texte au Parlement

En première lecture, les députés ont voté plusieurs amendements dont certains du gouvernement, en particulier pour :

  • permettre à l’association Foncière Logement (AFL), filiale du groupe Action Logement, d’intervenir plus facilement dans le cadre des opérations de restauration immobilière, d’amélioration de l’habitat et de résorption de l’habitat indigne ; 
  • améliorer le nouveau dispositif de prêt global collectif pour les copropriétés et créer des syndics d’intérêt collectif ;
  • élargir le champ d’intervention du fonds de garantie de rénovation énergétique (FGRE) à tous les travaux de rénovation des copropriétés en difficulté, et pas uniquement aux travaux de rénovation énergétique ;  
  • prolonger de dix ans l’expérimentation autorisée par le Loi « Alur » du 24 mars 2014 pour permettre d’exproprier les parties communes d’un immeuble en copropriété ; 
  • permettre aux communes de définir des secteurs d’habitat dégradé dans lesquels les propriétaires d’immeubles de plus de 15 ans devront réaliser un diagnostic structurel de l’immeuble incluant un descriptif des désordres liés à sa solidité. Ce diagnostic devra être transmis aux maires (amendement gouvernemental) ; 
  • renforcer les sanctions pénales contre les marchands de sommeil. Une nouvelle peine complémentaire d’interdiction d’acquérir un bien immobilier (autre que la résidence principale) pendant une durée de 15 ans maximum pourra à l’avenir être prononcée à l’encontre de ces bailleurs peu scrupuleux ; 
  • instaurer des sanctions pénales en cas location d’un logement sans bail écrit (un an de prison et 20 000 euros d’amende) ;
  • obliger les syndics de copropriété à informer les copropriétaires et occupants d’un immeuble sur les procédures contre l’habitat indigne en cours.

Le Sénat, de son côté, a largement modifié le texte, après avoir organisé une consultation en ligne des élus locaux. Il a adopté plusieurs mesures pour renforcer la capacité d’action des maires, y compris dans les villes moyennes et les petites copropriétés (facilitation des procédures d’expropriation, notamment des immeubles dégradés à titre remédiable, et de l’utilisation de constructions temporaires pour reloger les occupants, mise à disposition gratuite des biens saisis aux marchands de sommeil aux communes pour réaliser des logements…).

Les mesures contre les marchands de sommeil ont été renforcées : sanctions en cas de refus de bail écrit ou d’une quittance en cas de paiement en espèces, mise en œuvre des permis de louer et de diviser facilitée, suspension du loyer par les occupants dans les logements présentant des risques sérieux de sécurité. Par amendement, le gouvernement a sécurisé les procédures de réduction des indemnités d’expropriation pour les marchands de sommeil.

Face au développement exponentiel des bidonvilles et « bangas » à Mayotte et en Guyane, un autre amendement gouvernemental a prévu de dispenser de permis de construire certains logements dans des secteurs prioritaires. 

Concernant le redressement des copropriétés, les sénateurs ont complété le texte pour faciliter l’engagement des banques et des cautions en faveur du nouveau prêt collectif aux copropriétés, demander au gouvernement d’assurer le financement de la garantie publique nécessaire au prêt collectif et constituer un vivier de « syndics d’intérêt collectif ».

Députés et sénateurs doivent désormais se réunir en commission mixte paritaire pour trouver un accord sur un texte final.

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